Savoir bouger, pouvoir bouger

Mobilex est un exemple réussi de ce que peuvent faire ensemble des hommes venus d’horizons très différents lorsqu’ils ont en commun un projet solidaire : permettre l’accès à l’emploi  à ceux pour qui le déplacement est difficile.

Une alliance efficace

Le constat qui a guidé la création de l’association Mobilex, née en 1997 à Haguenau près de Strasbourg, est simple : d’un côté les chefs d’entreprise ne recrutent pas facilement dans les quartiers dits difficiles alors qu’ils ont des besoins de main d’œuvre, de l’autre des personnes sans emploi, jeunes et moins jeunes, expriment la difficulté qu’elles rencontrent pour chercher un emploi et l’assumer lorsque cet emploi suppose d’être mobile et de conduire un véhicule.

Pour trouver des solutions à ces problèmes de mobilité et

 construire des ponts entre deux univers qui ne se connaissent pas, celui de l’entreprise et celui de l’insertion, 

des responsables de la Jeune Chambre économique de Haguenau composent un tour de table diversifié, avec une entreprise d’insertion par l’activité économique Réussir Environnement  et des acteurs du monde économique : un représentant du monde de l’automobile, un assureur pour répondre aux questions d’assurance sur la mobilité, un banquier pour financer le projet et un centre d’information routière auto-école.

dna

Dès que l’association est créée, les différentes parties prenantes du projet réunissent de l’argent pour mettre en place un fonds associatif et achètent sept cyclomoteurs.

Le projet démarre à l’arrivée de Didier Luces, qui est toujours le directeur de l’association et qui est embauché pour donner plus d’ampleur au projet.

Un directeur issu du monde de l’entreprise

Après des études de gestion, Didier Luces, qui vit alors en Bretagne, entre dans une entreprise où il exerce des fonctions de directeur administratif et financier. Son parcours de vie le mène dans une entreprise strasbourgeoise pour exercer les mêmes fonctions.

strasbourg

Après plus de dix ans passés en entreprise, Didier fait, comme il le dit, son « coming-out social » : « Je suis entré chez Mobilex car je m’intéressais davantage à l’aspect humain qu’à l’aspect économique de l’entreprise. Je suis moins payé qu’auparavant, mais je trouve plus de sens à mon travail et je suis très heureux. Je trouve ma rémunération ailleurs, dans la satisfaction d’aimer ce que je fais et dans ma vie personnelle. La reconnaissance sociale ne m’intéresse pas. 

Ce qui est intéressant, c’est de voir des personnes accidentées de la vie ou qui n’ont pas eu la chance de bien démarrer se construire ou se reconstruire et rebondir. Chez Mobilex, nous aspirons à les faire progresser c’est tout notre intérêt et notre enjeu ».

De son parcours, Didier Luces a gardé des habitudes : il gère l’association comme une PME, avec des perspectives de développement, une recherche d’innovation et l’objectif de produire de la valeur économique, sans entrer en concurrence avec des services publics de transport en commun ou avec le marché économique classique. L’association prend en charge un besoin qui ne peut être satisfait autrement pour des publics en difficulté sociale à qui la mobilité permet l’accès à l’emploi.

Savoir bouger, pouvoir bouger

Didier prend rapidement la mesure de l’enjeu de la mobilité, d’abord physique : se déplacer, aller d’un point à un autre présente pour les jeunes des difficultés qu’il ne soupçonnait pas avant de travailler concrètement sur le sujet .« Les habitudes de déplacement sont limitées, constate-t-il, aussi bien dans les familles aisées, où les jeunes sont véhiculés et surprotégés, que dans les familles moins aisées où les jeunes se déplacent à pied dans les cités. Ils ne savent pas lire un plan, ils ne savent pas s’orienter et ils ont des préjugés à l’égard de l’usage du vélo qui leur paraît soit démodé soit bobo écolo. Ils n’ont guère appris à bouger ! ».

Il comprend aussi que

 les difficultés de déplacement des personnes, quelles qu’en soient les raisons, affectent leur mobilité sociale et même leur capacité à se projeter dans l’avenir.

Les objectifs et les principes de l’association sont dès lors rapidement définis.

La prescription : l’association s’est donné comme principe de travailler auprès d’un public adressé par les travailleurs sociaux ou des acteurs de l’emploi et non par des entreprises comme les sociétés d’intérim. Mobilex n’est pas ouvert au public.

La subsidiarité : par nature, les associations ne proposent pas de services en concurrence avec ceux du marché. Mobilex offre des services de substitution aux personnes qui n’ont pas accès à ceux du service public ou du privé.

L’éducation : les dirigeants de Mobilex s’aperçoivent très rapidement que la difficulté essentielle n’est pas de se déplacer, puisque la région est dotée de bonnes infrastructures de transport. Ils décident alors d’orienter leurs services vers l’éducation à la mobilité.

Mobilex a mis en place les principes d’un nouveau métier de « conseil en mobilité », qui consiste à accompagner une personne à partir de son projet et de sa situation, avec un état des lieux de ses connaissances et un bilan de ce qui est à construire dans une perspective d’accès à l’emploi.

Pour ce faire, l’association a recruté du personnel, obtenu un agrément d’organisme de formation professionnelle et modélisé un accompagnement pédagogique.

Ce que fait MOBILEX

L’offre de services de l’association s’est construite à partir de ses principes. Didier Luces insiste sur le fait que pour concrétiser l’engagement des personnes accompagnées, aucun service n’est gratuit, même si la participation est symbolique et partiellement prise en charge.

Des solutions d’urgence d’abord 

Dans le cas où la personne prise en charge a besoin d’être dépannée dans l’urgence, Mobilex, qui gère un parc de voitures et de cyclomoteurs destinés à l’accès à l’emploi ou à la formation professionnelle, peut les mettre à sa disposition, voire même lui permettre, à terme, de l’acquérir via un dispositif de micro-crédit social. Des transports collectifs sont proposés à ceux qui ne savent ou ne peuvent conduire.

Enfin l’association est partenaire d’un programme proposé par Renault dans le cadre des actions de RSE (Responsabilité sociale de l’entreprise).

Un accès à l’autonomie ensuite 

fape-edf

MOBILEX a mis en place un processus complet pour mieux appréhender et prendre en charge les difficultés de chaque personne, avec des ateliers collectifs, des bilans individuels et des exercices pratiques.

Après ce parcours pédagogique, adapté à chacun, les personnes concernées sont plus à même de réaliser un projet réaliste en faveur de leur mobilité.

Des solutions pour le permis de conduire enfin 

MOBILEX a monté une ECSA : école de conduite à statut associatif qui, en relation avec des auto-écoles partenaires, accompagne au permis selon un suivi collectif et individualisé. Cette école propose une formation adaptée avec des méthodes et des outils spécifiques, en élargissant le contenu de la formation (savoirs de base, citoyenneté).

Cette école propose des heures de conduite supervisée en fin de parcours pour donner toutes les chances à l’élève d’obtenir son permis.

Didier Luces insiste sur le sujet qui n’est pas évident pour tous : « Notre accompagnement s’adresse à un public qui n’a aucune représentation de la conduite. Cela devrait faire partie des compétences acquises à l’issue d’un parcours scolaire mais aujourd’hui la plupart des jeunes sortent de leurs études sans ce bagage. Ce sont des jeunes qui ont été habitués au transport scolaire ou à la proximité de l’école.
Quant à la sécurité routière, ils n’ont jamais eu de mise en situation ou de parents pour les instruire. Se comporter sur la route c’est se comporter vis à vis des autres, et certains ont besoin d’une formation ».

Passerelles & Compétences : un partenaire professionnel

Ces parcours solidaires sont pris en charge par l’association et ses partenaires d’entreprises privées, c’est la « marque de fabrique » de MOBILEX.

C’est tout naturellement que Didier Luces se dirige vers Passerelles & Compétences. Il fait appel à une passerelle Didier H., l’ancien patron d’une entreprise industrielle allemande qui est un gros employeur dans la région.

La première mission concerne la communication du métier même de l’association, comme l’explique Didier Luces : « Ce que nous faisons n’est pas facile à faire comprendre aux DRH qui pensent que pour être employable il faut le permis et une voiture. Il est important de communiquer sur ce thème auprès des entreprises pour préciser les situations et faire que les deux univers se rencontrent. Nous avons travaillé avec la bénévole envoyée par Passerelles & Compétences ».

Puis les missions se succèdent : un accompagnement à l’organisation de l’AG, puis l’organisation d’un « Mob café », durant une après midi, dans les locaux de l’UIMM qui étaient partenaires de l’opération avec une cinquantaine de participants : des acteurs de l’insertion, des institutionnels, et des acteurs économiques, qui ont travaillé en groupe, ce qui a permis à MOBILEX de formaliser ses démarches. C’est un bénévole qui a organisé et animé les tables rondes.

Une alliance innovante

Didier H., passerelle dans l’association qui accompagne Mobilex depuis plusieurs années et pour plusieurs missions, a le sentiment d’avoir été très utile à un directeur débordé mais généreux et qui arrive à relier des univers aussi éloignés que l’associatif et le tissu économique local, qui s’ignorent le plus souvent. Et s’agissant des entreprises, il mobilise les plus importantes pour qui, par le biais des actions RSE l’insertion n’est pas une nouveauté, mais aussi des PME rencontrées grâce à ses contacts avec la jeune chambre économique.

Cette alliance entre deux univers qui ne demandent qu’à coopérer lorsqu’ils se rencontrent est innovante, moderne, porteuse d’espoir pour l’avenir.

 
Didier Luces

Didier Luces

Directeur général de

Mobilex