S’engager à vingt ans

Unis-Cité est une association créée en 1995 par trois étudiantes de l’ESSEC et une jeune diplômée de l’université américaine de Yale, pour proposer aux jeunes de s’engager pour une période de leur vie en faveur de l’intérêt général, à proximité de chez eux. Un engagement nommé, depuis une loi adoptée en 2010, le Service Civique.

Ils vont en petit groupe dans les maisons de retraite pour échanger avec les personnes âgées; ils travaillent avec le rééducateur d’un jeune handicapé; ils sillonnent les quartiers pour sensibiliser les habitants aux économies d’énergie; ils aident des collégiens à construire des projets de solidarité. On les reconnaît à leurs vêtements orange : ce sont les jeunes d’Unis-Cité.
Ils se sont engagés plusieurs mois pour aider les autres et réfléchir à leur avenir. Ils donnent et ils reçoivent.  Pour eux, Unis-Cité c’est le partage, l’engagement, la solidarité, la tolérance, l’esprit d’équipe, la diversité…

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Depuis 1995, Unis-Cité a accueilli et accompagné plus de douze mille jeunes de toutes origines et niveau d’étude qui ont aidé plus de 250 000 personnes. Ils ont un statut de volontaires et reçoivent une indemnité pour leur travail.

L’engagement professionnel d’Etienne Maier

Le service civique n’existe pas encore lorsqu’Etienne est appelé sous les drapeaux et comme il n’envisage pas de porter les armes, bien que sa famille compte beaucoup de militaires, il décide de faire son temps comme objecteur de conscience. Il entre dans une association : L’ANSTJ (association nationale sciences techniques jeunesse) où il a pour mission d’accompagner des jeunes qui veulent fabriquer et lancer des fusées, puis devient salarié de cette association dans laquelle il acquiert compétences et expérience.
 Etienne quitte ensuite la région parisienne pour s’installer en Poitou-Charentes, et c’est là qu’il se voit offrir de monter la première antenne d’Unis-Cité dans la région. Il se reconnaît immédiatement dans les valeurs de l’association et dans son objectif d’aider des jeunes à s’approprier la société de demain.

Etienne est coordinateur de cette antenne pendant dix ans avant de rejoindre le siège, ce qui suppose de ne compter ni son temps ni son énergie pour mettre en œuvre un processus assez lourd : organiser des séances d’information pour les jeunes, en partenariat avec les missions locales, les lycées, les centres d’information pour la jeunesse ; mettre en place des ateliers pour identifier les jeunes motivés ; inviter les anciens à témoigner ; constituer les équipes de volontaires ; les suivre dans leur évolution.

Il évoque l’histoire de l’association et de ses fondatrices hors normes.

Un succès extraordinaire

Unis-Cité, qui donnera naissance au service civique, est issue de la volonté de trois jeunes étudiantes opiniâtres, que rien n’a découragé, ni le refus du gouvernement de s’intéresser à leur projet, ni l’incompréhension que suscitait l’idée, neuve en France, du volontariat des jeunes. 

Marie Trellu s’implique dans des actions locales et internationales de solidarité alors qu’elle est encore étudiante. Avec deux de ses camarades de promotion, Julie Chenot et Anne-Claire Pache, et une Américaine de 23 ans diplômée de Yale, Lisbeth Shepherd, elles ont envie de réaliser un projet qui ait du sens à cette époque de leur vie.
Elles envisagent de tester le concept de Service Civique sur le modèle de l’association américaine City Year, qui avait inspiré le président Clinton pour lancer en 1993 AmeriCorps, le service civique américain‪, un des éléments phares de son programme.‬

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Sorties d’une école de commerce, les jeunes femmes n’ont pas vraiment le profil le plus courant dans le monde associatif (en tous cas à cette époque), mais croient à la force d’une idée et s’y consacrent, convaincues que ce projet peut intéresser les jeunes Français.
Il s’agit de proposer aux jeunes de consacrer une période significative de leur temps au service de l’intérêt général, temps qui serait aussi un moment de construction personnelle, d’ouverture et de rencontre, d’apprentissage du travail en commun et de la responsabilité personnelle : le programme est ambitieux !

Elles rencontrent des conseillers du gouvernement, mais le succès n’est pas au rendez-vous : sans doute est-il trop tôt.

En 1994, les trois amies lancent une expérimentation estivale à petite échelle, soutenues par des fonds privés. En 1995, ce sont les débuts d’Unis-Cité, “En dehors de toute reconnaissance officielle”.
La première promotion compte une vingtaine de jeunes. L’association n’a ni cadre juridique, ni modèle économique très clair, mais elle peut compter avec le soutien de collectivités locales, de partenaires privés, de mécènes, de fondations, d’entreprises, qui adhèrent à leur idée.
Sans outils et sans guère de méthode, les fondatrices construisent l’association au fur et à mesure, avec leur vision et leur désir d’avancer.

Les jeunes qui entendent parler du projet par des prescripteurs classiques (les missions locales, les points d’information jeunesse, des mairies intéressés par le programme) ou par le bouche-à-oreille,  sont nombreux à avoir envie de le rejoindre, plus qu’Unis-Cité ne peut en accueillir.

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Unis-Cité et le service civil volontaire

L’association grandit assez rapidement et fin 2005, après les émeutes en banlieue, les responsables de ces questions au gouvernement se souviennent de ces jeunes femmes qui viennent régulièrement leur parler de leurs réussites, au point d’inspirer la loi de service civil volontaire de 2006, dans laquelle on retrouve des fondamentaux de l’association : de vraies missions d intérêt général, une utilité pour les jeunes avec un éveil citoyen et un accompagnement dans leur projet d’avenir. La loi  passe presque à l’unanimité, tous bords confondus, entraînant un consensus rare.

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Le service civique compte aujourd’hui 5000 structures dans lesquelles près de 70 000 jeunes se sont engagés depuis la création de la loi en 2010.

Des jeunes motivés

Aujourd’hui, comme nous l’explique Etienne Maier, les jeunes sont d’origine et de culture diverses : « On propose aux jeunes qui vont rejoindre cette aventure de travailler en équipe, avec d’autres jeunes qu’ils n’auraient peut-être jamais croisés de leur vie sans cette opportunité. Il y a vraiment du brassage ».

Aucun stéréotype, beaucoup de diversité, chacun y trouve son compte : ce temps d’engagement constitue un véritable moment d’éveil citoyen.

Ce que font les jeunes à Unis-Cité

Le cadre dans lequel les jeunes travaillent est clair et s’est mis en place par expérimentations successives : il fallait définir précisément la nature et le contenu des missions significatives,  sans entrer en concurrence avec l’offre du marché. C’est ainsi que les missions d’encadrement sportif, de coordination ou d’administrations ont été exclues.

Nous détaillerons deux exemples parlants, parmi d’autres, du type d’activités réalisées par les jeunes.

La lutte contre la précarité énergétique

Dans les quartiers où la population est fragilisée, il n’est pas rare d’observer des comportements de consommation d’énergie qui peuvent sembler aberrants au regard de la rationalité mais qui reflètent un manque d’information ou de prise de conscience.

Les jeunes du service civique sont formés et encadrés par des professionnels de l’énergie et de la précarité. Ils sont formés également à la connaissance du tissu associatif local vers lesquels ils renverront les personnes visitées.

Ils se rendent en binôme dans les familles et prennent le temps de comprendre les raisons de leurs comportements de consommation, ce que les salariés des professionnels de l’énergie ne peuvent pas faire, pour les informer sur les éco-gestes et leur faire valoir les économies potentiellement réalisables. L’impact des volontaires, très modeste et très concret, au cas par cas et au plus près des situations personnelles, représente avec le temps des milliers de familles accompagnées.

Des enquêtes de terrain

Les responsables de l’agglomération de Niort soumettent un problème à Unis-Cité : ils ont fait de gros efforts de remaillage des transports collectifs, mais constatent que le nombre d’utilisateurs n’augmente pas, voire diminue. Ils veulent comprendre pourquoi le public visé n’utilise pas davantage les services offerts.
Les jeunes sur le terrain vont à la rencontre de ces publics fragiles pour connaître leurs besoins et en quoi le système de transport collectif proposé n’y répond pas. Ils recueillent les demandes et les solutions attendues, sont joignables pour trouver les bons circuits et les horaires. Ils accompagnent même certaines personnes pour leur indiquer un chemin : ils rassurent. Les résultats sont au rendez-vous !

Les jeunes ont eu du succès parce qu’ils s’intéressent au cas de chaque personne et sont disponibles : la campagne est reconduite chaque année depuis quatre ans.

Le partenariat avec Passerelles & Compétences

Avec 65 recherches menées en six ans, Unis-Cité à Poitiers tient une place très importante parmi les partenaires de Passerelles & Compétences.

L’histoire des deux associations se sont croisées souvent : le président de Passerelles & Compétences a plusieurs fois été parrain de jeunes en service civique et les deux associations ont défendu certains sujets ensemble, notamment à travers le pacte civique.

 Elles partagent la même culture entrepreneuriale, assez peu répandue dans le monde associatif

Les nombreuses missions menées sont de nature diverses : des interventions pour aider les jeunes sur des sujets spécifiques; des témoignages de bénévoles sur les parcours professionnels; des formations en  informatique; un accompagnement pour rédiger les CV. 

D’autres missions sont à destination des coordinateurs : appuyer ou coacher les équipes salariées; assurer des formations à la gestion du temps, à l’organisation ; remplir des missions de parrainage d’un binôme de jeunes…

Enfin les missions phares concernent le travail autour des tremplins : un événement organisé au début et à la fin du service civique pour chacun des jeunes, au cours duquel ils ont l’occasion de rencontrer trois à quatre bénévoles aux profils très variés, constitués en jurys pour les  accompagner.

Passerelles & Compétences a très tôt été le meilleur vivier pour trouver des bénévoles constituant ces jurys. Les bénévoles viennent pour leurs compétences et leur personnalité, apportent un véritable éclairage et sont très satisfaits ; certains continuent à avoir des contacts avec les jeunes qu’ils ont accompagnés.

Ce qui, affirme Etienne Maier, est une bouffée d oxygène. Au-delà du service rendu, il est heureux de constater la même volonté de transformation sociale et de démocratisation, à l’échelle locale.

En 2014, l’association a été lauréate du label présidentiel La France s’engage.

Etienne Maier

Etienne Maier

Directeur de

Unis-Cité