Révéler les potentiels

Le Service civique permet à des jeunes de s’engager pendant quelques mois dans le monde associatif avant d’entrer dans la vie active. Parmi eux, certains se font remarquer par leur sens des responsabilités, leur capacité d’initiative, leur esprit d’équipe, leur engagement, leur motivation, bref leur potentiel… L’institut de l’Engagement les aide à réaliser ce potentiel.

Ce sont précisément ces qualités que recherchent nombre d’employeurs et d’établissements d’enseignement, sans savoir comment les rencontrer parmi les populations de jeunes qui n’ont pas emprunté les filières d’excellence : l’Institut de l’engagement, qui a changé de nom en 2015 ( il s’est d’abord nommé l’Institut du service civique), construit les ponts qui leur permettent de se connaître.

Nous avons rencontré Claire de Mazancourt, la fondatrice de l’association, à qui nous demandons de raconter le fonctionnement de l’institut, mais aussi son parcours personnel et les raisons qui l’ont conduite à vouloir créer de nouvelles voies d’excellence.

Les succès de l’école de la République

Claire est la fille d’un polytechnicien à la carrière professionnelle éclatante, puisqu’il a été président d’un des plus grands groupes industriels français : une réussite due à ses talents et à la méritocratie républicaine et non aux réseaux de ses parents, qui avaient émigré et l’ont inscrit pour y faire ses études dans le lycée d’un quartier populaire de Paris.

Bon sang ne ment pas : Claire, elle aussi, entre à l’X. Son père l’invite alors à dîner en tête à tête pour lui transmettre un message : « Il m’a expliqué tout ce que la République française avait fait pour nous, nous accueillir, nous former dans les écoles républicaines.

 J’allais rentrer dans une École de l’État et il était bon de se souvenir de tout ce qu’on devait à la République française pour  rendre quelque chose.

 Lors de mon service militaire, j’ai découvert un milieu que je ne connaissais pas, j’ai rencontré là des jeunes de 18 ans qui ne savaient pas lire. J’ai très vite eu conscience que l’on pouvait, qu’il fallait faire quelque chose».

Après un parcours classique au Ministère de l’Équipement, Claire a envie de changer d’activité et se rend compte qu’il est temps pour elle de mettre en œuvre le contenu du message de son père

Une rencontre fructueuse

Nous sommes en 2010. Martin Hirsch quitte le gouvernement pour l’Agence du service civique, dont il avait piloté la création. Claire lui demande un rendez-vous et lors de cette entrevue, Martin Hirsch lui parle de ces jeunes qui démontrent un potentiel élevé pendant leur service civique, 

« Faisons une école, déclare-il, et donnons-leur un diplôme qu’ils pourront valoriser par la suite ».

L’idée plaît à Claire : « La question de la reproduction des élites est un vrai sujet. Il est choquant de voir que certains ont accès aux réseaux invisibles qui ouvrent les portes, alors que d’autres ne savent même pas que cela existe ».
Claire bénéficie d’une mise en disposition de la part du Ministère : elle peut relever ses manches.

Élaborer  une idée

Claire commence par réaliser une étude de faisabilité et recueille les besoins et les attentes des dirigeants des écoles et des entreprises. Les uns et les autres souhaiteraient diversifier leur recrutement mais ne savent pas vraiment comment s’y prendre.
Les objectifs sont définis. L’Institut de l’Engagement offrira diverses possibilités à ses lauréats: intégrer une des écoles partenaires et bénéficier d’un soutien pendant la scolarité ; être accompagnés dans leur recherche d’emploi; être appuyés dans la création de leur activité (entreprise, association).

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Comment fonctionne l’Institut

La procédure de recrutement des candidats a peu changé depuis le début.

Le repérage des candidats se fait en deux phases successives qui permettent d’identifier les futurs lauréats.
D’abord, les jeunes remplissent en ligne un dossier de candidature dans lequel ils parlent d’eux, de leurs ambitions et de ce qu’ils attendent de l’Institut. Le dossier est complété par l’avis du tuteur qui les a suivis pendant le service civique, détaillant ses atouts et les points sur lesquels il pourrait être aidé.
Le candidat est invité à donner les coordonnées d’un témoin qu’il choisit : parents, entraineur de foot, professeurs, voisin de palier, ou même d’autres volontaires.

Claire précise : 

 Le bénéfice peut-être le plus important du processus, c’est de raconter son projet : en parler, l’écrire, c’est déjà le préciser .

Après cette phase écrite, les candidats admissibles à l’oral passent un entretien face à un jury. Il s’agit d’un moment d’échange  pendant lequel le candidat est écouté et reçoit de nombreux conseils.
Qu’ils soient ou non retenus pour l’Institut, les jeunes  sortent toujours gagnants du processus, avec une vision plus large et aussi plus précise de ce dont ils ont besoin pour réaliser leur projet.

Des enseignements variés

     - Une ouverture à de nombreux sujets

Pendant leur cursus, les jeunes assistent à des conférences de Sensibilisation aux grands enjeux du monde contemporain,  avec des conférenciers expérimentés qui abordent des sujets très variés, leur permettant de rencontrer des experts  et de réfléchir .

    - Des formations concrètes

Les élèves suivent des ateliers animés par des partenaires bénévoles, professionnels issus de divers horizons et centrés sur leurs projets. Les ateliers sont concrets et permettent l’acquisition de compétences précises : création d’activités, valorisation des compétences, animation de réunions, prise de parole en public…

    - Des aides

En complément des dispositifs existants, des bourses et des aides financières sont accordées au cas par cas, en fonction de la situation de chacun : bourses de vie, bourses centrées sur le projet, formations, réalisation des plaquettes pour leur nouvelle activité billets de train si nécessaire. Il ne s’agit pas d’investissement en capital mais de coups de pouce

    - Un accompagnement

Pendant leur cursus et un certain temps après qu’ils l’aient terminé, les jeunes sont accompagnés par un parrain qui les suit dans leur parcours, leur donne des conseils, soutient leur moral lorsqu’ils traversent des difficultés, leur donne confiance en eux, leur ouvre des carnets d’adresse, les aide à définir, préciser ou élargir leur projet.

Ces parrains sont recrutés parmi les réseaux des partenaires de l’institut.

Les résultats

     -Créer un réseau

L’Institut du service civique apporte un réseau aux jeunes lauréats. En dehors des occasions de rencontres au cours de l’année avec les adultes qui les accompagnent et les jeunes de la même zone géographique, l’Institut les réunit pendant une semaine en été. « Et ça marche, déclare Claire, c’est l’effet service civique : pendant plus de six mois, ils ont porté des mêmes valeurs de solidarité, de citoyenneté et sont tous passés par la même procédure d’entrée à l’institut.  Ensemble, ils sont une force dont il ne leur reste qu’à prendre conscience et à mesurer la confiance qu’ils ont acquise lors de ce parcours ».

    -Ouvrir des portes

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L’Institut noue des partenariats pour mettre en relation les lauréats avec les écoles dans lesquelles ils pourront poursuivre ou les entreprises où ils pourront postuler :

« Pour les écoles et les universités, précise Claire, il s’agit de les convaincre d’intégrer ces étudiants atypiques, qui n’ont pas appris comment réussir un concours. La procédure rigoureuse d’admission à l’Institut est mise en avant, comme le fait qu’ils pourront continuer à être accompagnés si nécessaire. Auprès des entreprises, la démarche de conviction est analogue, avec la difficulté supplémentaire que les lauréats ne connaissent en général pas cet univers et, influencés par les médias et la pensée dominante, ils n’en n’ont pas une bonne image ».

Un partenariat réussi avec Passerelles & Compétences

L’Institut est soutenu par la Fondation Bettencourt, comme Passerelles & Compétences, et c’est tout naturellement que le lien est fait lorsque Claire, qui envisage de développer l’action de l’Institut souhaite être accompagnée dans sa réflexion sur les statuts de l’association et sa gouvernance et notamment la gestion de la coexistence entre l’association 1901 et un Fonds de dotation mis en place au démarrage du projet.
 Elle est mise en contact par le binôme de Passerelles avec Raymond M.,un magistrat financier retraité de grande expérience et qui a déjà réalisé plusieurs missions. Il connaît très bien le Droit public et le droit des associations et veut mettre son expérience au service d’une cause qui lui tient à coeur. Donner leur chance à des jeunes est un sujet qui le motive particulièrement. La demande était claire et précise, la réponse également : « Ca s’est vraiment très bien passé, explique Claire. Raymond M. était vraiment à l’écoute… J’ai connu dans ma carrière précédente, deux types de juristes, ceux qui cherchent à démontrer pourquoi ce n’est pas possible, et ceux qui cherchent à faire en sorte que ce soit possible : il était de ceux là.
Plus tard, l’Institut lance des recrutements pour renforcer l’équipe. Pierre L., qui accompagne les responsables, conseille sur les fiches de poste, travaille au sourcing des candidats, fait une pré-sélection et  participe aux entretiens avec son regard de professionnel
« Il nous a beaucoup aidé déclare Claire, et il continue. Passerelles & Compétences est une ressource intéressante et très agréable. Je trouve qu’il y a une souplesse, une grande liberté à travailler avec les bénévoles, avec l’envie que ça marche, pour nous comme pour eux ».

Je suis optimiste

L’Institut a encore peu de recul, mais les résultats obtenus sont plus qu’encourageants avec plus de 80% de réussite à la fin des études, une vigilance constante qui permet de faire évoluer l’accompagnement des jeunes et d’améliorer les enseignements.

  l’Institut du Service Civique a fait partie de la première promotion du label présidentiel La France s’engage.

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Claire est optimiste : « Ce n’est pas facile mais ça marche de façon presque magique, nous arrivons à ouvrir des portes à nos lauréats, nos partenaires ont envie d’avancer avec nous.

 La France est un pays où les gens ont envie de s’engager. Nous sommes partis de rien, nous sommes forcément optimistes».

 
Claire de Mazancourt

Claire de Mazancourt

Fondatrice et directrice de

Institut de l'engagement