Redécouvrir son visage

L’association Soigner en Beauté s’adresse principalement aux femmes atteintes de cancer en chimiothérapie pour les réconcilier avec leur image.  Elle organise des ateliers de maquillage dans les hôpitaux, les cliniques, les maisons de convalescence et de retraite.

Ah les studios Harcourt… leurs portraits de stars, la personnalité des sujets mise en valeur, le noir et blanc, la lumière… Tout le monde connaît et reconnaît la qualité de leurs photos! Même les anonymes peuvent, moyennant finance, poser seuls ou en famille et entrer ainsi à leur tour dans la légende.

Renata y est maquilleuse.

Ce jour là, elle reçoit une famille. La maman est en chimiothérapie et ça se voit. Renata se souvient : « Elle portait une perruque, et n’avait plus de cils ni de sourcils. Avec le maquillage, on peut vraiment arranger l’aspect d’un visage, mais c’est difficile pour les patientes de réaliser ce travail seules. En revanche, pour moi dont c’est le métier, il est assez simple de redessiner les cils et les sourcils. Il y a eu un moment de grande émotion, lorsque les enfants ont redécouvert la beauté de leur mère.

 J’étais très émue moi aussi. Et ça m’a donné envie de faire quelque chose pour les femmes dans cette situation. »

Mannequin et maquilleuse à Paris

Renata est née en Pologne. Jolie et photogénique, elle devient mannequin. C’est ainsi qu’elle est repérée par un agent qui lui propose de venir travailler à Paris, ce qu’elle accepte bien volontiers : « C’est une proposition qui ne se refuse pas. Toutes les femmes rêvent de venir à Paris, et dans le milieu de la mode c’est magique. »
Elle a alors la chance d’être maquillée par de très grands maquilleurs, se forme à ce métier et entre aux Studios Harcourt où elle maquille des stars, des mannequins et des personnes venues pour un souvenir ou fêter un événement.
Le travail qu’elle fait auprès de clients anonymes la satisfait tout autant : « J’aime maquiller, ça me fait plaisir d’apporter un service à des gens qui n’en n’ont pas l’habitude. C’est très valorisant. Les femmes sont transformées, ravies. Il est important de bien comprendre leurs besoins, ce qui suppose dialogue et empathie. »

Renata se rend compte, en rencontrant des patients, que le maquillage peut également avoir une fonction thérapeutique. Si certaines femmes veulent être plus belles, d’autres sont dans la détresse et désirent simplement retrouver leur image.

Les patients en chimiothérapie paient un lourd tribut aux soins : chute des cheveux, des cils et des sourcils, amaigrissement, altérations de la silhouette, autant d’atteintes à l’image de soi, si graves que certains patients préfèrent se laver dans le noir pour ne pas voir leur reflet dans le miroir. Pour apporter un peu de bien-être et restaurer la confiance en soi, certains services hospitaliers ont mis en place depuis plusieurs années des ateliers de soins esthétiques, moments de détente pendant lesquels les patients sont touchées pour autre chose qu’un soin parfois douloureux ou des gestes médicaux techniques.

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Renata trouve de l’aide

Ce savoir–faire éprouvé, ce métier qu’elle exerce avec plaisir, Renata veut désormais en faire quelque chose d’utile à celles et ceux qui en ont le plus besoin.

L’opportunité se présente au moment où les studios Harcourt sont rachetés. Le personnel est licencié, l’aventure terminée. Renata saisit cette occasion et le temps dont elle dispose désormais pour réaliser son projet.
Elle frappe à toutes les portes : sa banque lui donne une documentation très complète sur le montage d’une association qui lui permet d’en comprendre les bases ; elle se rend à l’Hôtel des Impôts de son domicile où elle trouve également des informations. Mais ces recherches restent théoriques, et c’est auprès de sa voisine qu’elle trouve une aide active et concrète. Cette dernière lui parle de Proj’aid 94 un organisme qui aide les associations du département en proposant aux porteurs de projets de participer à des ateliers pratiques gratuits. Renata en suit plusieurs. Il faut ensuite mettre en place le projet : écriture des statuts, validation, tenue des premières Assemblées générales… tout ceci dure six mois.

Renata trouve ensuite des administrateurs dans son entourage : son mari, qui dirige une école de musique, un ami psychologue, d’autres personnes… Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues !

La bonne formule

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Soigner en beauté existe, reste à trouver des partenaires. Pour cela Renata prend rendez-vous avec la surveillante du service d’oncologie à l’hôpital Bégin, à qui elle explique son projet et qui se montre intéressée.

Il lui faut alors expérimenter pour trouver la bonne formule. Elle contacte des grandes marques de cosmétiques qui, après négociations, acceptent de fournir les produits.
Il faut s’adapter aux différents contextes, diversifier les propositions et monter ses ateliers au sein même des services ou dans des locaux à l’extérieur; puis mettre au point le contenu des ateliers et les outils pédagogiques qui permettront aux patientes de se maquiller seules.

Travailler à l’hôpital suppose d’être en accord avec toute l’équipe : médecins, infirmières, psychologues, aides-soignantes… tout ceux qui, non seulement sont susceptibles d’informer les patientes de l’existence des ateliers mais surtout de les convaincre d’y participer.

Reprendre confiance

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Quand Renata anime ses ateliers au sein de la structure soignante, le « coin beauté » est dans la salle de soin, là-même où les patientes s’installent pour les traitements de chimiothérapie. La table est couverte d’échantillons de tissus colorés et d’un grand choix de produits de maquillage. Les femmes, très concentrées apprennent comment il faut choisir et appliquer les produits pour redessiner les sourcils absents.

Ces ateliers offrent un moment de diversion dans la longue journée de soins, permettent aux patientes de partager un moment intime et convivial et de reprendre confiance en elles, en ne se vivant plus seulement comme des malades.

Au début, Renata s’interroge sur ses propres capacités à prendre en charge ces patientes : « J’avais le trac, mais je me suis rendu compte que je leur apportais quelque chose, et j’en étais très émue. »

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L’association commence à être connue et étend ses activités vers d’autres publics, comme les femmes en recherche d’emploi. Ces dernières ont ceci de commun avec les patientes de perdre rapidement leur confiance en elles.

Les aspects financiers

Renata ne manque pas de demandes, mais le fonctionnement bénévole, finit par poser problème : « A l’hôpital, très vite, ça a fait boule de neige et, comme nos services étaient gratuit, nous avons été victimes de notre succès. Mais il fallait que je gagne ma vie et je ne pouvais pas continuer. J’en ai discuté avec les responsables du réseau Onco-Est, qui m’ont proposé un défraiement pour les frais de gestion et le matériel. Dans les cliniques privées, c’est la clinique qui paie pour ses patientes. »

Toujours avec l’aide de sa voisine, qui désormais accompagne le projet, elles obtiennent une subvention auprès d e la Fondation Aéroports de Paris pour monter des ateliers avec des demandeurs d’emploi. Elles bénéficient de dons de soutien.

Passerelles & Compétences, « c’est très bien fait ! »

Renata avait déjà entendu parler de Passerelles & Compétences et c’est tout naturellement qu’elle y pense lorsqu’il lui faut  mettre en ordre sa comptabilité pour répondre aux attentes de ses financeurs. De plus, elle envisage de développer d’autres types d’activités et souhaite se mettre en conformité au niveau comptable et fiscal. Elle rencontre alors un binôme de Passerelles, qui la met en relation avec une comptable, Cécile D., qui l’accompagne dans la mise aux normes de ses comptes, contrôle les écritures des années précédentes, clôture l’année en cours et forme Renata la rendre autonome. Le projet a touché Cécile D, qui continue à s’y investir même après la fin de sa mission.

La deuxième bénévole , Solène est venue aider Soigner en beauté pour améliorer les activités de marketing, « une activité qui ne me parlait pas trop », reconnaît Renata. « Elle a élaboré des tableaux qui retraçaient l’historique de nos activités, trouvé l’idée des ateliers solidaires : des ateliers de maquillage pour toutes les femmes, avec un pourcentage du coût de la séance versé aux patientes …»

« J’ai également eu l’aide de Michel, continue Renata, un commercial qui a étudié nos possibilités de développement . Il a identifié les interlocuteurs, rédigé une lettre de présentation. Il les a relancés et nous sommes entrés en contact avec le groupe C., pour des ateliers destinés à former des auxiliaires de vie et aides-soignantes au domicile des patients. Nous sommes invités à leur journée «soins de support», ce qui va nous permettre de communiquer auprès des autres associations, et nous donner une visibilité dans le catalogue des professionnels. »

Une autre mission concerne la recherche de locaux pour mener les ateliers solidaires. Stéphanie L., la bénévole, a fait un listing d’endroits à visiter.

Renata, au contact de ces bénévoles experts dans leur domaine a acquis des compétences et des réflexes qui lui ont permis de se professionnaliser. Elle a gardé contact avec les uns et les autres et n’hésitera pas à leur demander une aide si le besoin s’en fait à nouveau sentir !

Elle a aujourd’hui trouvé son équilibre et sa vocation : 

« Je vois mon avenir dans le sourire des femmes, je crois à cette solidarité entre les femmes, ça me fait du bien aussi. »

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Renata Villard

Renata Villard

Fondatrice

Soigner en Beauté