L’excellence comme modèle

Le Club Efficience  ambitionne de mettre en lumière des parcours de réussite de l’élite Afro-Française, en incarnant les valeurs du mérite et de l’excellence,  par le récit de parcours réussis .

Les salons du Grand Hôtel à Paris, un soir de printemps : on se presse à l’entrée pour la conférence de lancement du Gotha Noir, Who’s Who de l’élite noire en France, conçu par une association, le Club Efficience, qui s’efforce de « démentir les préjugés par l’exemple ». Sur scène, deux légendes, Manu di Bango et Gaston Kelman, aux côtés de l’ancien ministre Olivier Stirn et des responsables de l’association. En toile de fond, une interview filmée de Lionel Zinsou, fidèle compagnon du Club.
 Ils parlent sans langue de bois, sans rechercher d’effets. Ils nous racontent leur histoire, les relations d’échanges entre l’Afrique et sa diaspora, moins inégalitaires depuis que le continent décolle.

 Ils sont raisonnablement afro-optimistes et dans leurs discussions circulent un dynamisme, une ambition et une vision dont nos vieux pays fatigués gagneraient à s’enrichir.

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Le Club Efficience naît en 2006 suite à l’expérience vécue par le docteur Élie Nkamgueu.

Mais ce n’est pas un dentiste, il est « marron » !

A Champigny où il exerce, le Docteur Nkamgueu reçoit un jour un enfant de huit ans avec sa mère. Ils sont noirs tous les deux. Pourtant dès que l’enfant voit Élie, il recule et demande comment il est possible qu’un dentiste puisse être noir….« Je me suis alors rendu compte, se souvient Élie, que l’enfant n’avait pas imaginé qu’une personne noire puisse avoir l’ambition d’exercer un métier valorisant.

 En effet, quels sont les modèles de réussite qu’on présente à ces jeunes? Des célébrités, des sportifs  … mais pas des médecins, des avocats ou des hommes d’affaires.

 Cet événement m’a marqué et je m’en suis ouvert à plusieurs amis qui ont un parcours analogue au mien. »

Des parcours d’excellence

Comme le signale Frédéric Hérout, bénévole de Passerelles & Compétences,  aujourd’hui membre du bureau, les fondateurs n’ont pas émigré par nécessité, mais pour améliorer des compétences déjà remarquables et terminer leurs études. 
Comme tout immigrant, ils trouvent à leur arrivée des réseaux familiaux et amicaux qui les prennent en charge. Ils n’envisagent pas de s’installer en France et ne font guère d’efforts pour sortir de leur cercle amical, comme le souligne Victor Tantcheu : « Lorsqu’on arrive en France avec notre background, on rencontre des amis, on est entre nous, on se sent en diaspora. On ne se pose pas de question au sujet des blancs, parce qu’on est dans un autre monde. Quand je suis arrivé, rien n’était un problème, je ne me suis pas senti concerné par le racisme ou le rejet. »

Un projet positif

En 2007, les amis décident de créer un think-tank dont l’objectif sera de proposer aux jeunes noirs nés en France des parcours de réussite afin qu’ils puissent se projeter dans des modèles.Ils n’arrêteront plus de donner de leur temps et de leur argent pour maintenir le projet à flot, parfois au grand dam de leurs familles. 

Les fondateurs du club ne sont pas dans le combat, la revendication, la frustration ou l’amertume. Ils refusent l’idée de se poser comme victimes.

N’ayant aucune expérience de la vie associative ou de la représentation d’une communauté, ils décident d’aller aux États-Unis pour voir comment la communauté afro-américaine est passée de l’esclavage au pouvoir. Élie, toujours sur son temps et ses deniers, se rend au Black Caucus composé des élus afro-américains du Congrès où il rencontre des acteurs influents de la communauté noire. Après son voyage aux États-Unis, Elie a appris à parler un langage tourné vers l’économie  : « Si nos prédécesseurs à l’époque des Senghor, Aimé Césaire et beaucoup d’autres intellectuels noirs avaient porté un enjeu économique, nous aurions avancé de ce côté-là. Mais pour eux à l’époque, le combat était plutôt de montrer que l’homme noir pense, comme les autres : leur objectif était plus intellectuel et culturel qu’économique. Cela dit, après avoir pensé, après avoir écrit, il faut bien vivre. Maintenant les enjeux sont économiques. »

Le Gotha noir

Élie et ses amis se rendent rapidement compte que pour fédérer, il faut des projets concrets.  
Ils abandonnent l’idée de  lancer un journal, trop complexe pour se décider à produire un livre présentant des parcours de réussite : si quelqu’un leur avait dit, au début de l’aventure, qu’ils deviendraient éditeurs! Victor Tantcheu raconte l’histoire en riant souvent, comme d’une bonne blague qu’ils auraient faite et qui fonctionne : « Nous sommes allés voir des conseillers à l’Élysée, à Matignon et nous étions les premiers surpris de voir que nous les intéressions. Pour construire le livre, il fallait trouver les personnes intéressantes, récolter les informations, raconter les histoires. Il a fallu apprendre, nous sommes tombés sur des problèmes que nous n’appréhendions pas, par exemple d’ordre juridique. Le nom du livre a été difficile à trouver.

Lorsqu’ Élie a proposé le nom  Gotha noir  ça nous a fait tous marrer, tellement nous trouvions le mot bizarre. Personne n’était d’accord, mais nous n’avons jamais trouvé mieux.

Laffont a publié notre première édition. Nous nous sommes vite rendu compte que les droits d’auteur sont tellement ridicules que nous avons décidé de nous passer d’un éditeur et de publier et de vendre nous-mêmes, en autoédition. Nous avons trouvé un maquettiste et  un imprimeur. Nous avons commencé avec 5000 exemplaires et nous avons eu la chance de trouver un diffuseur qui stocke les exemplaires. Quelle aventure ! »

Les bourses d’excellence

Les bourses d’excellence visent à agir en faveur de la diversité dans les grandes Écoles. En partenariat avec Sciences Po Paris, l’Essec et Polytechnique elles sont accordées à des élèves défavorisés. Si la parité est un critère, la couleur de la peau n’en est pas un. Le produit de la vente du livre est suffisant pour doter ces élèves afin qu’ils puissent, par exemple, s’équiper en matériel informatique, en attendant des dotations plus ambitieuses avec un budget plus conséquent. Ainsi pour l’année 2015 un partenariat noué avec Canal+ a permis d’envisager des actions de plus grande ampleur et auprès de davantage de jeunes.

La remise des bourses a toujours lieu dans un lieu prestigieux avec la présence de personnalités significatives pour que les jeunes bénéficiaires sentent la considération qu’on leur porte et la confiance que l’on met en eux.

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Des activités diversifiées

Le Club Efficience organise aussi des moments de réflexion, d’échanges et de synergie socioprofessionnelles sous forme de dîners-débats ou forums nationaux et internationaux sur des thèmes divers. Une fois par trimestre, sur les Champs-Élysées, un dîner d’affaires est organisé  autour d’une personnalité du monde économique, et ces événements ont de plus en plus de succès avec le temps, comme le signale Christian Kabala.

Avec Passerelles & Compétences, une collaboration très fructueuse

Frédéric Hérout est depuis sa jeunesse un passionné d’histoire des civilisations, très sensible à ce thème et à l’Afrique. Une belle rencontre l’a conduit à fonder une famille métisse. Un jour, lorsque son fils lui demande s’il est noir, Frédéric comprend que l’enfant a été catalogué comme tel. A l’époque Barack Obama vient d’être élu pour la première fois : le père s’appuie alors sur ce modèle pour faire prendre conscience à l’enfant que les Noirs aussi peuvent réussir.

Frédéric est spécialiste du marketing ethnique, une compétence peu développée en France contrairement aux États-Unis, pays où les dirigeants des entreprises ont compris depuis longtemps que les communautés, quelles qu’elles soient, constituent un marché, et ont organisé une offre de produits et services en tenant compte de leurs caractéristiques, de leurs besoins et de leurs médias. Une de ses amies, relai auprès de P&C lui envoie un jour une annonce qui l’intéresse. Il n’a encore jamais fait de bénévolat, il est séduit.

Frédéric accompagne le club : son premier projet vise à le rendre plus visible. Très vite, les membres du club l’adoptent, au point que Frédéric, conquis, entre au bureau pour prendre en charge le marketing de l’association.

Les résultats de cette coopération ne se font pas attendre : ensemble, ils construisent une organisation qui compte, avec ses partenaires : entreprises, Grandes écoles, Institutionnels et les réseaux de ses membres. 

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Ambitions

Après quelques années de fonctionnement, tout va très vite pour le Club, qui de succès en succès connaît une belle croissance.
Le Gotha Noir devient européen, les dîners d’affaires permettent l’élargissement des réseaux, les bourses d’excellence bénéficient de nouveaux partenariats.

 Élie Nkamgueu a encore de grandes ambitions : « Nous voulons poser les bases d’un dispositif financier qui puisse permettre aux partenariats France/Afrique d’exister. L’Afrique sera l’avenir du monde : quand on est afroptismiste c’est ce qu’on pense, et il faut que l’Europe renégocie sa relation avec l’Afrique pour redécoller. La communauté « afropéenne » a besoin d’un organisme légitime qui la représente et nous avons cette ambition en perspective. »

Laissons le mot de la fin au bénévole, devenu cadre de l’association, Frédéric Hérout :
 « Ils sont très attachants, se dépensent, ils pensent avec le cœur, ils sont engagés dans leur mission du mieux vivre ensemble. 

Leur ambition n’est pas pour eux, le projet est immense et il est en train de réussir. »

Crédits photos : www.osiphotos.fr

Élie Nkamgueu

Élie Nkamgueu

Fondateur du

Club Efficience