Imaginer un lieu où les enfants s’épanouissent

Le réseau Mom’artre met au service des parents  une solution de garde fiable et sûre tout en  offrant aux enfants la possibilité de s’exprimer par le biais d’une pratique artistique enseignée par des professionnels : une réussite!

La nuit est tombée sur le quartier. Il fait froid et gris en ce soir de février mais, en poussant la porte du local du réseau Mom’artre, on entre dans un autre monde où figurent des sculptures inspirées de Nicky de Saint-Phalle; une installation comme celles de Dubuffet; des grands formats à la Sam Francis; des broderies illustrant « Le Petit Prince »; des livres en Pop Up. Dans la salle, on entend un « concert acoustique » à deux guitares, bâtons de pluie et maracas. C’est une fête, le vernissage des œuvres des enfants du réseau Mom’artre.

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Les enfants reçoivent leurs parents ravis, qui profitent de l’occasion pour rencontrer d’autres parents et tisser ainsi les liens de voisinage, de solidarité ou même d’amitié pour mieux vivre dans leur quartier.

Le marathon des mamans solo

Chantal Mainguené a fondé le Réseau Mom’artre en 2001. Elle vient d’une famille dans laquelle on ne transigeait pas avec les valeurs du travail et de la responsabilité.

Après des études dans une école de commerce à Paris, Chantal entre dans une entreprise dans laquelle elle se sent bien lorsqu’une fracture familiale survient dans son foyer. Chantal devient une « maman solo » avec deux filles à élever. Comme toutes les femmes dans sa situation, elle doit jongler avec des modes de garde aléatoires. Ce sont des années difficiles.

Chantal se met à rêver.

Elle rêve de personnes fiables qui pourraient aller chercher ses filles après l’école; d’un lieu sécurisant où elles pourraient attendre son retour en prenant un goûter sain; d’un lieu épanouissant pour ses enfants. Elle rêve aussi de voisins prêts à s’entraider parce qu’ils se connaissent. Elle rêve de tisser des liens, d’être insérée dans un réseau solide et large.

C’est alors qu’elle conçoit l’idée de son association.

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Une logique d’entreprise

Chantal fait partie de ces fondateurs d’associations qui sont des entrepreneurs dans l’âme : « Venant du secteur privé je possède les réflexes que l’on a dans une entreprise classique. J’ai donc commencé par faire une étude de marché : j’ai interviewé des familles pour connaître leurs besoins, puis j’ai défini l’activité de la future association, que j’ai montée avec des proches. »

Le statut associatif lui est apparu comme le plus logique  pour recevoir des fonds publics qui permettent d’établir des tarifs  en fonction des revenus des parents. L’association prend de l’ampleur. Depuis 2009, huit antennes ont ouvert à Paris : ce rythme soutenu suppose une vigilance de tous les instants pour  rester fidèle à l’idée de départ, rendre service aux parents et aux enfants.

Mom’artre au service des parents

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Mom’artre propose une solution de garde pour les parents qui travaillent et n’ont pas forcément les ressources pour financer une baby-sitter. « En dehors des sorties de classe, Mom’artre assure un mode d’accueil très souple le mercredi et pendant les vacances scolaires, explique Chantal. Les parents paient nos services en fonction de leurs revenus : la grille tarifaire comprend onze prix horaires différents. Dans la réalité, parmi nos publics, rares sont les familles pouvant payer dix euros de l’heure car nous sommes implantés dans des quartiers défavorisés. »

Les parents veulent s’adresser à des personnes qu’ils connaissent et qui connaissent bien leurs enfants. Le dialogue est fondamental, face à un système éducatif fermé, accessible uniquement sur rendez-vous. Or de nombreux parents ne prennent jamais rendez-vous : ils ont pour certains le sentiment que l’institution scolaire ne leur est pas destinée.

 L’association leur propose de faire autre chose, autrement et avec eux.

Mom’artre au service des enfants

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Mom’artre est avant tout un lieu d’éducation artistique. Les enfants du primaire qui fréquentent les ateliers accèdent à la pratique artistique grâce à des artistes professionnels formés à l’animation.

Les enfants ont le choix entre trois projets en début de session. Pendant six à huit séances jusqu’aux petites vacances suivantes, ils travaillent au même projet, avec le même artiste. Chaque soir, lorsque les enfants ont pris leur goûter et terminé leurs devoirs, ils rejoignent « leur » artiste pour réaliser une oeuvre qui sera ensuite exposée. Un vernissage de l’ exposition destiné aux familles et ouvert à tout le quartier est ensuite organisé.

Le mercredi, l’association organise des sorties culturelles pour emmener les enfants voir un spectacle ou visiter un musée. Grâce aux partenariats noués avec les services culturels des villes, les activités sont très variées et intéressantes.

Pendant les vacances scolaires la programmation artistique est axée sur un thème comme la photo ou l’art et les sens par exemple. Les équipes d’artistes ne sont jamais à court d’idées !

Créer des emplois

On imagine sans peine les risques encourus en allant chercher des groupes d’enfants dans trois ou quatre écoles différentes du quartier. En près de quinze ans d’activité, Chantal n’a connu d’autre incident que la fugue d’un enfant, vite retrouvé. Les salariés sont stables et responsables, et les enfants connaissent les dangers de la ville et ses règles, auxquelles ils se conforment volontiers.

Le service doit être assuré tous les jours avec fiabilité. C’est pourquoi, deux ans après le démarrage, l’association embauche une équipe de salariés, assistée de bénévoles, qui aident à la distribution du goûter et aux devoirs. Mom’artre est à même de proposer l’encadrement de six à huit enfants pour un adulte, comme le stipule la loi.

Quant aux salariés, pour la plupart des plasticiens sans emploi, parmi lesquels certains touchent le RSA, ils sont heureux de participer au projet. A cette équipe s’ajoutent des artistes extérieurs non salariés pour enrichir les activités : des comédiens, des musiciens, des architectes… toujours les bienvenus dès lors qu’ils proposent un projet intéressant.

Fabriquer du lien social

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Depuis le début les responsables de l’association ont joué la carte de la mixité sociale. Mom’artre crée du lien social en prenant en charge des enfants dont les parents n’ont pas toujours le temps de s’occuper, en favorisant le dialogue entre les familles et l’école, en faisant se rencontrer les parents.

Les responsables du développement de l’association fourmillent d’idées qui se transforment souvent en prestations. Son essor suppose d’ouvrir de nouvelles antennes, mais aussi de diversifier les publics ou les services proposés. Par exemple, un accord a été conclu avec la RATP pour ses salariés du samedi : des chauffeurs de bus parmi lesquels de nombreuses mères, qui ont du mal à venir travailler parce qu’elles n’ont pas de solution de garde. 

Passerelles & Compétences, un regard extérieur et professionnel

Chantal a pu compter sur l’aide des bénévoles avec lesquels Passerelles & Compétences l’a mise en relation pour se développer. Elle raconte la rencontre : « En 2008, j’étais à La Ruche, où je faisais partie des premiers occupants, au moment où je développais l’essaimage. C’est là que nous nous sommes connus, Patrick ( le fondateur de Passerelles & Compétences) et moi, en prenant un café dans la cuisine, et j’ai rapidement été convaincue du bien-fondé de cette approche.»

Les responsables de l’association réfléchissent à leur organisation et ressentent le besoin de redéfinir les missions des salariés de la tête de réseau : « Nous avons fait appel à un bénévole dans le but de structurer les ressources humaines, de nous organiser et de réfléchir à nos fiches de postes. Nous avons rencontré Cécile C., une bénévole en ressources humaines  Elle a mis toutes ses compétences au service de cette mission, est allée plus loin en nous donnant des recommandations de communication de notre stratégie RH à nos équipes. Cécile appartient aujourd’hui à notre conseil d’administration et continue à former nos équipes.
Puis nous avons rencontré un autre bénévole pour notre réorganisation informatique : le résultat était moins probant. Nous ne nous sommes pas rencontrés assez souvent et la recommandation s’est avérée un peu surdimensionnée pour nous. Peut-être n’ai-je pas été assez précise dans ma communication avec ce bénévole. Enfin, dernièrement, nous avons demandé une troisième mission, encore en cours, sur notre communication. »

Ces bénévoles  apportent un regard extérieur et professionnel, dès lors qu’un problème devient plus technique ou plus expert. 

« Nous n’aurions pas les moyens de faire ce que les bénévoles de Passerelles & Compétences   réalisent pour nous, et cela nous briderait dans notre développement. »

Par ailleurs, les associations ont peu de moyens, elles agissent souvent dans l’urgence et sans réellement pouvoir anticiper : «Passerelle & Compétences, précise Chantal,  ne peut pas répondre à cette urgence, c’est impossible. En outre, il faut passer du temps avec le bénévole ce dont les dirigeants manquent cruellement. Enfin, nous n’avons pas toujours les moyens de mettre en œuvre les conseils que l’on nous a donnés. Mais lorsque la mission se passe bien, c’est formidable ! Nous avons aussi beaucoup utilisé l’interface juridique PC CLICK, qui correspond totalement à notre besoin. La question RH est la plus compliquée pour les associations qui gèrent de nombreux contrats de travail : contrats courts, CDD, CDI, contrats aidés. Et l’aide de Passerelles & Compétences est précieuse sur ces questions. » 

Les enfants sont incroyables

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Chaque jour apporte à Chantal son lot de joies mais aussi de problèmes. Son angoisse permanente est d’ordre financier : ne pas arriver à boucler le budget et à financer les salaires. Quant à ses joies, lorsqu’elle ne va pas bien, elle se rend dans une antenne et y retrouve des forces :  

« Les enfants sont incroyables, ils ont une énergie, une créativité… l’ambiance des lieux donne de la joie. »

Chantal et son équipe ont récemment reçu une reconnaissance de taille. Lauréate de l’initiative présidentielle La France s’engage, l’association Mom’artre a vu son travail reconnu et va désormais pouvoir changer d’échelle.

Crédits photos: Caroline Polikar.

Chantal Mainguené

Chantal Mainguené

Fondatrice de

Réseau Mom’artre